L'histoire de Bougnette
Première partie : de mon vivant
Je suis née dans un endroit quelconque du 15ème arrondissement de Paris ; rapidement abandonnée par mes géniteurs, j'ai été recueillie par une dame assez gentille, mais dans sa maison, il y avait trop de chats, sans parler des chiens qui logeaient à l'étage au-dessus. On était tellement nombreux qu'il y avait toujours l'un ou l'autre pour venir piquer ma nourriture dans ma gamelle à moi. J'aimais pas ça du tout.
Ma vie a basculé alors que j'avais 8 mois. A cette époque, la dame assez gentille avait décidé de me confier à une maîtresse d'école. Moi, cela me disait rien qui vaille, j'étais sûr que tous les garnements à la récré allaient être encore plus insupportables que mes congénères qui volaient dans ma gamelle. Aussi, quand j'ai vu débarquer ce couple qui cherchait une nouvelle compagne, j'ai déployé tous mes charmes, me frottant aux jambes, relevant mon arrière train de-ci de-là, mais rien n'y fit, eux (surtout ELLE d'ailleurs) car ils voulaient une chatte noire et blanche, et la dame assez gentille disait que j'étais déjà adoptée (c'est pour cela qu'elle n'était qu'assez gentille du reste).
La seule jeune chatte noire et blanche qu'il y avait dans mon refuge était complètement neurasthénique et la dame assez gentille les a dissuadés de l'adopter (c'est pour cela que, malgré tout, elle était assez gentille) et fort heureusement ils ont suivi son conseil. Peu après, la maîtresse d'école, pour des raisons que j'ignore encore aujourd'hui, a décidé de ne plus m'adopter et la dame assez gentille, qui avait remarqué mon manège avec le couple, a décidé de le recontacter.
Quand ils sont revenus, j'ai redéployé tous mes charmes et ELLE n'y a pas été insensible. Quand IL a dit "Tu sais une tigrée c'est une bonne idée, avec une noire et blanche tu voudras revivre ce que tu as vécu avec Bibounette", j'ai vu dans son regard à ELLE, que la partie était gagnée.
La dame assez gentille leur a fait moult recommandations, ils les ont presque toutes suivies et c'est ainsi que j'ai fait la connaissance de mon pire ennemi : le vétérinaire.
C'est pas tant Vassilios (il est grec) que je n'aime pas mais les sévices qu'il me fait subir chaque fois que je vais chez lui, une fois par an c'est une fois de trop.
(Parenthèse entre nous : pour les médicaments, je connais un truc excellent mais c'est une autre histoire que je vous conterai une prochaine fois. Sauf que cette année, IL – mon maître pas Vassilios - a caché le somnifère dans mes friandises préférées et je me suis retrouvée sur la paillasse du véto complètement flapie sans avoir pu faire tout mon cinéma habituel).
La seule consigne de la dame assez gentille que mes maîtres n'ont pas suivie, c'est l'histoire du collier, et je leur sais gré de n'avoir aujourd'hui ni collier, ni puces d'ailleurs.
ls m'ont donc appelée Bougnette, cela vous dit quelque chose ? Non ?
Eh bien, je vous raconte : bougnette en patois marseillais (car ELLE est marseillaise, et LUI vaguement apparenté) cela veut dire tache, vous savez le genre de tache qu'on se fait sur le plastron en mangeant un beignet (bougnetto !), voilà pour le sens, pour la raison : je pense que c'est une séquelle du syndrome "noire et blanche" du genre noire avec une tache blanche près de la truffe comme Bibounette. M'enfin! comme dirait Gaston.Pendant 2 ans, j'ai partagé ma vie entre leurs 2 appartements. ELLE à Issy, LUI là-bas à Paris. J'étais jeune et fougueuse, et je suis tombée de la fenêtre du premier appartement et de la terrasse du 2ème, les 2 fois du 2ème étage heureusement, je m'en suis bien sortie cela m'a permis de faire la connaissance d'une gardienne et d'un locataire. Visiter les voisins c'est d'ailleurs une de mes passions et je garde quelques trophées de mes voisins de l'époque.
Maintenant et depuis 6 ans, j'habite un duplex, tout en haut d'un immeuble. Descendre un étage c'est quand même mieux que de faire un tour dans un panier pour aller de chez ELLE à chez LUI. En plus, descendre un étage, c'est sportif et très excitant. La première fois, je suis allée un peu vite et en bas de l'escalier, je me suis foulé la patte gauche en me crashant contre le mur d'en face après une belle glissade.
Et en plus, j'ai pour moi les terrasses de l'appartement mais aussi tous les toits de notre immeuble. Mais maintenant que je maîtrise, cela me procure des sensations surtout que je finis ma course sur les canapés et plus dans le mur d'en face, c'est plus confortable, plus moelleux.
C'est moins bien que Tino, le chat de notre gardienne qui a tout le jardin pour lui mais c'est beaucoup mieux que la plupart d'entre nous, les chats d'appartement. Alors, on ne va pas se plaindre…
D'autant que là-haut, j'ai fait plein de connaissances : les moineaux très peureux, les pigeons goguenards qui me narguent quand j'essaie de leur faire peur (ceci dit, un jour ils rigoleront moins quand j'aurai enfin réussi à en attraper un) et les corneilles bavardes et fières avec lesquelles on essaie de s'intimider.
En revanche, les voisins sont moins sympa qu'avant. Ne voulant plus me retrouver dans leur séjour ou dans leur lit, ils ont demandé à mes maîtres de poser des grillages de séparation. Mais il me reste les toits et les terrasses.Quant à mes maîtres, ils sont assez sympas : ELLE, elle veut des câlins tout le temps même quand j'ai pas envie. Elle me prend dans ses bras, parfois c'est pas vraiment ce que je voudrais. En plus ELLE me cherche tout le temps, pas moyen d'être peinarde au fond du panier à linge ou entre ses oreillers.
LUI, c'est le contraire, il me câline pas assez, même quand je miaule doucement pour attirer son attention, il fait semblant de pas entendre ou alors il se lasse très vite ou pire encore il me tire la queue doucement en disant que c'est bon pour ma glande (ceci dit pout être très honnête, le coup de la queue à petite dose, j'en redemande, mais ne le dites pas cela ne ferait pas très sérieux).
En tout cas, à eux deux cela fait une bonne moyenne.Ce que je n'aime pas, mais alors pas du tout, c'est l'idée qu'ELLE a de vouloir me partager, en faisant venir un autre chat dans mon domaine. Moi, pour ce qui est de partager, j'ai déjà donné: 6 mois chez la dame assez gentille c'est assez pour toute une vie.
Mais allez leur faire comprendre cela.
La première fois, c'était il y a longtemps, ELLE est revenue avec un chat blanc ramassé dans le jardin de la copropriété. Il était chétif, alors je n'ai pas mis plus longtemps à les terroriser (ELLE et le chat blanc, pour des raisons différentes) et moins de dix minutes plus tard, le chat blanc était retourné dans le jardin de la copropriété.
Plus récemment, avec d'Artagnan, cela a été plus dur. Il faut dire que d'Artagnan est un beau chartreux, bien fort et somme toute assez séduisant. Mais il ne faut pas confondre la gaudriole et la défense de sa tranquillité, parce qu'on vient comme cela au début pour un week-end et après on sait pas ce qu'il se passe. De feulement en poils hérissés, j'ai été plus maligne que Milady pour arriver à mes fins, et le beau mousquetaire s'en est retourné dans ses foyers assez vite mais l'alerte avait été chaude.
Bon, réflexion faite, je vous en ai assez raconté pour une première, il est temps pour moi d'aller voir l'état de mes gamelles (depuis mon passage chez la dame assez gentille, je ne supporte pas de voir ma gamelle vide, même quand j'ai pas faim) avant de me reposer sur mon pouf. La prochaine fois, je vous parlerai de l'Ohème – vous connaissez ? – et de la dame du vendredi qui porte des chaussons léopard.
En attendant, gros câlins ronronnants.
Bougnette est désormais au paradis des chats. Mais, de là, de l'au-delà, en mai 2017, elle se confie à nouveau…
Deuxième partie : La fin de mon histoire
Au Paradis des Chats on est très bien mais on s'est engagé, tous ici, à ne jamais parler de notre situation dans cet Eden, pour éviter les polémiques. Et je tiendrai parole, tant pis pour vous.
Cependant, l'autre jour, j'ai entendu une nouvelle qui m'a un peu surprise. En effet venait d'arriver au Paradis des Chats une petite chatonne du nom de Kijang. Une petite chatonne qui n'a pas eu une vie très heureuse et qui a quitté le monde d'en bas après seulement quelques mois d'existence mais qui est très gentille même si elle a souvent les yeux un peu tristes.
Et cette chatonne parlait, entre autres, d'un endroit où elle avait vécu qui s'appelait "la maison de Bougnette". Endroit où elle avait été très bien accueillie, mais où elle n'est pas restée longtemps, car, avec son frère Kucing, ils étaient encore traumatisés de leur premier contact avec les humains et n'ont pas pu s'adapter malgré la gentillesse des hôtes du lieu. C'est ce que plusieurs condisciples m'ont raconté, car ils avaient fait un rapprochement entre moi et ce nom "la maison de Bougnette".
Très intriguée, je suis partie à la recherche de Kijang et j'ai fini par la trouver. Je voulais en savoir plus sur cette "maison de Bougnette", mais Kijang n'a pu m'en décrire qu'une petite partie : une chambre, une salle de bains et un palier où elle s'est aventurée une fois ou deux. Mais cela m'a suffi pour reconnaître mon dernier domicile, celui où j'ai passé près de 20 très belles années. J'ai trouvé assez triste que Kijang n'ait pas pu trouver les clefs de ma maison. Certes elle n'en aurait pas beaucoup profité mais quand même !
Passé l'euphorie d'avoir un site éponyme – je sens que je deviens un peu pompeuse –, je me suis remémoré quelques-uns des meilleurs moments vécus dans cette maison et puis je me suis rappelé que j'avais commencé à raconter mon histoire, mais que je m'étais arrêtée en cours de route, promettant une suite, que, depuis près de quinze ans, je n'ai toujours pas écrite.
Mieux vaut tard que jamais, je tiendrai parole et c'est tant mieux pour vous cette fois, mais comme je suis un peu paresseuse – comme LUI – ce sera service minimum. J'avais terminé la première partie de mon histoire (que vous pouvez lire ou relire ci-dessus) ainsi :
"Bon, réflexion faite, je vous en ai assez raconté pour une première … La prochaine fois, je vous parlerai de l'Ohème et de la dame du vendredi qui porte des chaussons léopard. En attendant, gros câlins ronronnants."
Je me sens un peu obligée de poursuivre.
L'Ohème : Je n'ai pas besoin de vous présenter l'Ohème, il paraît que tous les humains ou presque savent ce qu'est l'Ohème (je suis un peu marseillaise moi aussi, mais moins que Bibounette).
Là, je dois faire un aparté pour vous présenter Bibounette. Je l'ai déjà évoquée dans la première partie de mon histoire, mais sans vous donner plus d'explications. Je dois quand même vous dire qui est Bibounette, même si les plus perspicaces d'entre vous l'ont déjà deviné.
Bibounette était une jolie chatonne noire et blanche qui m'a précédée chez EUX. Elle n'a pas connu "la maison de Bougnette", car comme moi à mes débuts, elle s'est partagée entre leurs 2 appartements, mais restant beaucoup plus souvent chez ELLE que chez LUI et donc habituée au top case de la moto pour les transferts d'un appartement à l'autre.
C'est ELLE, à l'époque où elle habitait à Marseille, qui avait recueilli une petite chatonne abandonnée. Il paraîtrait que celle-ci a failli s'appeler Rensenbrink, car ELLE l'a trouvée pendant la coupe du monde de football 1978 où un certain Rensenbrink marquait beaucoup de buts (ELLE aimait beaucoup le football et regardait les matchs à la télévision).
Cela, je n'aurais pas pu vous le raconter avant, mais au Paradis des Chats, on n'est pas seulement très bien, on est aussi plus informé que vous ne sauriez le croire. D'ailleurs, une voix me dit que Bibounette aura bientôt une page dédiée dans ma maison : elle le mérite bien !
Revenons donc à l'Ohème ( l'Ohème ! c'est mathématique : Football + Marseille = OM)
ELLE et LUI aimaient bien regarder les matchs de football à la télé, surtout ceux de l'Ohème et moi j'aimais bien la télé, surtout les matchs de football, car cela bouge beaucoup et en plus, je pouvais gagner des friandises. En effet, chaque fois que l'Ohème marquait un but, ELLE applaudissait et criait très fort "Ohème, on t'aime" et si je manifestais avec ELLE en descendant de mon pouf préféré, ELLE me lançait une friandise que j'essayais d'attraper, tel le gardien de but que j'aurais pu être. J'ai vite compris et je suis devenu rapidement très assidue aux matchs de foot.
A la fin, j'avais même double ration de friandises. Allez l'Ohème !
Quant à la dame du vendredi, voici l'histoire : c'est une personne qui aime les animaux et les chats en particulier. Au début où elle est venue chez nous, elle portait des chaussons léopard.
Moi, à l'époque, j'étais encore jeune et j'ai pris ces petits léopards pour de nouveaux intrus qui allaient piquer dans mes gamelles et ça, il n'en était pas question. Je l'ai donc fort mal accueillie et je la poursuivais dans tout l'appartement en feulant et grondant. Elle n'aimait pas cela, mais elle n'a jamais rien tenté pour se défendre. Et puis j'ai fini par comprendre que ces deux-là n'étaient pas des voleurs de gamelles et elle, elle a fini par mettre d'autres chaussons…
Pour le reste de ma vie, je n'ai pratiquement que de bons souvenirs, mais pas beaucoup d'anecdotes dignes d'être racontées ici et j'ai demandé d'avoir plutôt une série de photos pour l'évoquer au fil du temps : j'espère que cela sera fait très vite.
Seule ma fin a été malheureuse. Après avoir fêté mes 19 ans, j'ai commencé à souffrir : j'avais du mal à respirer et de plus en plus de difficultés à me déplacer, je n'avais plus goût à rien, même pas au bar grillé, alors qu'avant, dès que je sentais l'odeur du bar au barbecue, j'accourais en quatrième vitesse et attendait de pied ferme qu'ILS me donnent ma part du festin.
ILS ont fini par s'en rendre compte et ont compris qu'il était temps pour moi de les quitter et de rejoindre le Paradis des Chats.
Voilà, ainsi s'achève l'histoire que je voulais vous conter.
Bibounette, Kijang, Moi et tous les hôtes du Paradis de Chats, vous saluent bien.
Date de dernière mise à jour : 10/04/2023